Itinéraire...
biographie détaillée
Le belle histoire de Fawzy, celle d’un musicien entre Aladin et Verlaine, d’un exil en scène, d’une trajectoire riche de créations. Avec une inépuisable soif de rencontres, il n’a eu de cesse de tisser – au fil de ses albums et de ses spectacles – des passerelles entre les musiques et les cultures proches-orientales et d’ici. En la matière, Fawzy est une référence.
Un jeune musicien entre Aladin et Verlaine
Fawzy Al-Aiedy est né à Bassorah au sud de l'Irak, d'une famille modeste, dans les années 50. Ses parents ont oublié de noter sa date de naissance. Seule certitude : il est né entre deux grandes pluies... Fawzy, lui, fête son anniversaire le 6 septembre, date de son arrivée en France (en 1971).
C'est à l'école qu'il reçoit sa première émotion musicale, en écoutant son instituteur jouer du violon. Chez ses parents, la musique n'a pas vraiment droit de cité mais Fawzy, à 14 ans, parvient, non sans mal, à convaincre son père de l’autoriser à aller tenter sa chance dans la capitale, à l'École des Beaux-Arts (section musique) où il réussit le concours d'entrée.
Jugeant ses doigts trop courts pour jouer du luth, on lui impose d'apprendre le hautbois avec un professeur tchèque ! (l'Irak manquait de hautboïste pour son orchestre classique !). Il débute ainsi ses études musicales avec la musique classique occidentale.
A Bagdad, Fawzy découvre la poésie d'Arthur Rimbaud et de Paul Verlaine, lit des œuvres de philosophie (Sartre, Debray...) et, en travaillant Bach, Mozart ou Haendel, ressent un véritable choc culturel.
Après un an d'études, il obtient du directeur de l'école le droit de suivre en parallèle des cours de musique traditionnelle orientale (théorie, chant et oud). Il passe très naturellement d'une culture musicale à l'autre.
A cette période, l'Irak vit une période politique très troublée, les coups d'état se succédant. A Bagdad l'armée est omniprésente. Fawzy achève ses études à l'école de musique en 1968, année de la prise de pouvoir par le parti BAAS. Étant le premier, il se voit proposer une bourse pour partir étudier à Varsovie. Mais il est alors devenu très difficile de quitter l'Irak. Comme il travaille à Radio Bagdad, Fawzy rencontre, par hasard, Sadam Hussein : "Il était en civil, entouré de ses gardes du corps et j'ai réussi à lui parler. Je lui ai dit que sa loi m'empêchait de quitter le pays et de profiter de la bourse qui m'était offerte pour étudier en Pologne... Il m'a répondu qu'il allait m'aider...Mais une semaine plus tard, je recevais l'ordre d'aller faire mon service militaire !".
Trois mois après la fin de son service, il prend sa décision : partir. Mais où ? Pour le hautbois, il y a deux "écoles" : l'une allemande, l'autre française qu'il préfère. Il choisit la France aussi pour une raison sentimentale : sa passion pour Rimbaud et Verlaine.
Fawzy débarque en France...
Il réussit à quitter son pays et débarque à Paris le 6 septembre 1971, ne connaissant pas le français mais plein d'espoir, le diplôme de l'École des Beaux-Arts de Bagdad en poche. Il rentre à l'École Nationale de Musique de Boulogne-Billancourt où il obtient, en 1976, le 1er Prix de Hautbois à l'unanimité et le 2ème Prix de Musique de Chambre.
En parallèle à son apprentissage classique, Fawzy découvre Georges Brassens, Léo Ferré, Léonard Cohen, John Coltrane, Miles Davis. A sa sortie du conservatoire, il entre dans l'Orchestre des Jeunes de Paris, aux pupitres de hautbois et de cor anglais, sous la direction de Jean-Claude Casadesus. Il y reste deux ans.
"Faire carrière dans un orchestre classique, ce n'était pas vraiment ma vie. Mon double bagage culturel m'a placé face à une alternative : ou je devenais un musicien traditionnel oriental, ou bien je restais un musicien classique européen. Alors je me suis trouvé une troisième voie ! Celle de la création, que m'indiquait mon amour de la poésie, et dont le fer de lance serait cette dualité entre Orient et Occident."
Un exil en scène, une carrière qui débute
En 1976, Fawzy enregistre son premier album Silence au Chant du Monde, sur la poésie traditionnelle irakienne, puis, en 1978, Bagdad. De 1977 à 1985, il participe, avec Guy Jacquet, comédien, et Hassan Massoudy calligraphe, au groupe Khamsa qui diffuse la richesse de la culture arabe à travers le spectacle L'Arabesque à voir et à entendre qui associe poésie, calligraphies et chants arabes.
Dès 1983, il devient un précurseur de ce que l'on appelle aujourd'hui la "world music", avec son album La Terre, pour lequel il réunit des musiciens venus de tous horizons. En 1989, il crée l'Oriental Jazz, en mariant le swing du jazz à la sensualité de la musique orientale et produit en 1992 l'album Tarab.
Parallèlement, depuis 1987, il fait régulièrement des incursions dans l'art dramatique et le théâtre musical à travers ses propres créations de théâtre-conte-musique ou de théâtre musical : L’œil du Borgne puis Histoire du Borgne et Aladin et la princesse de Chine avec Lucien Melki ou des créations de metteurs en scène auxquelles il participe sur scène (Les Aventures de Sindbad le Marin avec Antoine Duhamel, Michel Beretti et Pierre Barrat ; Sol Soleil de Guy Freixe). Il accompagne des lectures de textes et de poètes arabes (Mohammed Kacimi, Institut du Monde Arabe).
Dans ce désir de sensibiliser tous les publics, il produit des disques et des concerts pour les enfants et leurs parents : Amina en 1981 (Prix Loisirs Jeunes 1982) ; Dounya en 1988 - Chansons traditionnelles pour enfants et le spectacle Dounya – Voyage musical pour petits & grands dès 7 ans. Création en 2006 du spectacle Noces-Bayna – Chansons traditionnelles de France et miroir d'Arabie et parution de l'album Noces-Bayna fin 2009 (Coup de cœur de l'Académie Charles Cros et Bravo ! de Trad Magazine).
Les créations se développent, au fil des voyages et des rencontres
En 1996 et 1998, ses créations (toujours en tournée) Paris-Bagdad Acoustic, provoquée par un voyage à Hong Kong ou son duo / trio Oud Aljazira (devenu Fawzy Al-Aiedy Trio / Duo), marquent un tournant dans la démarche musicale de Fawzy. Après l'Oriental Jazz, il manifeste le désir de se tourner vers des impressions plus naturelles, des inspirations plus traditionnelles en lien avec son état d'âme d'alors.
Fawzy est invité par Gérard Zuchetto à ses créations : en 2008 Troubadours Caravane, puis en 2012 à Poètes du Sud à la Scène nationale de Narbonne. En 2009-2010, rencontres avec Frédéric Vérité pour la création Escales Méditerranéennes - Voyage transméditerranéen ainsi qu'avec Dominique Forges (et L'Ensemble Musique Traditionnelle de Nevers) pour la création Babylone sur Loire - Musiques traditionnelles du Nivernais et du Proche-Orient.
Parallèlement, un laboratoire de recherche s'est mis en route entre la musique orientale et le groove occidental pour aboutir en 2010 à la création Radio Bagdad, lors du Festival Les nuits au Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg, qui nous entraîne vers d’autres contrées alliant musique traditionnelle et actuelle, où la rigueur et l’esthétisme musical jouent des rôles essentiels, laissant une large place au côté festif des nouvelles compositions.
En 2006, une 1ère rencontre avec le jazzman hautboïste Jean-Luc Fillon abouti à une nouvelle création en 2011 sur le désert et ses caravanes : Privé de désert - Oriental Jazz.
En 2010, sortie du film L'autre Dumas de Safy Nebbou avec Gérard Depardieux et Benoît Poelvoorde dans lequel Fawzy joue le rôle du chanteur oriental avec son chant L'Oiseau libre et son improvisation sur la maquam Nahawend.
En 2011-2013, création d’Ultime Prière – Chants sacrés d'Orient, initiée par le Festival Les Sacrées Journées de Strasbourg (1ère mondiale à la Cathédrale de Strasbourg) ; et création d'Exil mon amour - Musique, Théâtre & Calligraphie avec le calligraphe Hassan Massoudy et la comédienne Catherine Javaloyes pour le Festival Strasbourg Méditerranée. En 2012, sortie de l’album Radio Bagdad chez L’institut du Monde Arabe distribué par Harmonia Mundi sur lequel Fawzy chante pour la première fois un titre en français, Blues Oriental, sur des paroles de l'auteur à succès Claude Lemesle.
Fin 2014-début 2015, création de Entre deux roseaux, l'enfant - Spectacle musical & visuel, en direction de la petite enfance et tout public, de 2-3 ans à 103 ans ! avec une mise en scène de Denis Woelffel et les calligraphies animées d'Hassan Massoudy.
Fawzy Al-Aiedy, citoyen du monde…
« La musique est l'éternelle maîtresse à laquelle je confie ma vie et avec laquelle je partage rêve et passion » (Fawzy)
Fin 2016 voit la création de La traversée par le Quartet Noces-Bayna à la Cité de la Musique-Philharmonie de Paris. Le concept rencontre un vif succès. Après avoir associé Catherine Faure, de culture française, et Vincent Boniface de culture valdôtaine (minorité francophone et franco-provençale de la Vallée d’Aoste) avec son fidèle compagnon, l’égyptien Adel Shams El Din, Fawzy et ses acolytes ont renouvelé le répertoire, sur une mise en scène de Jocelyne Jault. Les chansons traditionnelles de France, revisitées, sont mises en miroir d’une création arabe afin de poursuivre la connexion et consolider le pont Orient-Occident.
C’est ensuite, en 2016-2018, la mise en place d’un laboratoire électro-oriental, projet qui acquiert sa cohérence en 2018 avec l’apport des arrangements d'Amin Al-Aiedy, sous le nom de Ishtar Connection. Après une première tentative avec un DJ, Fawzy rencontre le beat maker strasbourgeois Gaston (Philippe Rieger). L’alchimiste des ponts Orient-Occident et l’alchimiste des sons électroniques croisent pour la première fois leurs instruments dans un projet inédit. Les samplers de Gaston et la voix et l’oud de Fawzy en sont le pivot central. La magie opère entre les références musicales ultra-modernes du premier et les mélodies du second, entre les pulsations électroniques contemporaines, les rythmes épicés et les modes traditionnels orientaux. Cette création sera justement l’occasion de transcender la tradition et de réinventer le lien avec d’autres publics.
Depuis toujours, les notions de tolérance et de culture président à la démarche créative de Fawzy. Pour lui, la musique est le terrain privilégié où peuvent s’épanouir toutes les rencontres. Avec Ishtar Connection, il affirme sa place comme acteur de référence de la diversité culturelle.
Photographies : Jean-Louis Hess, S. Barral-Barron, Bartosch Salmanski